Sur les traces des Jacquets
L'important ce n'est pas le but, l'important c'est le chemin.
L'Europe par les Chemins de St-Jacques de Compostelle
Caminoropa
des monts d’Alsace aux collines de Bourgogne octobre 2014
Ferrette - Saulnot
80 km
Avant de me mettre en chemin, je laisse le temps aux brouillard matinaux de se dissiper et assiste tranquillement à l’office dominical dans l’église St-Bernard à Ferrette, sous l’oeil bienveillant de St-Jacques sur un très beau vitrail. Ce sera une de ses rares représentations que je verrai au cours du voyage. Je profite ensuite des beaux paysages du Haut-Rhin avant d’entrer en Franche Comté, à Delle, avec sa belle église Saint-Léger au clocher comtois typique. Le temps est propice à la ballade tout au long des canaux et des étangs qui parsèment le chemin en direction de Montbéliard. Je pénètre à un moment donné dans une forêt, en suivant un chemin de grande randonnée et marqué «sentier historique de la principauté de Montbéliard». J’arrive ainsi tranquillement dans les faubourgs de la cité, que je contourne par le nord, soit Héricourt, et rejoins ainsi le chemin «officiel» venant d’Alsace et de Belfort.
Saulnot - Gy
108 km
Comme la veille, la brume se dissipe rapidement et c’est par un temps radieux que j’entame la plus longue étape du voyage. L’expression «rouler par monts et par vaux» s’accorde parfaitement sur ces petites routes désertes. Cette succession de montées et de descentes va cependant se faire ressentir dans les articulations de mes genoux.
Arrivé à Villersexel, j’achète un baume dans une pharmacie et flâne dans cette charmante localité, qui est un haut lieux pour les amateurs de sports en rivière. Une sympathique employée de l’office du tourisme appose sur ma crédentiale un timbre flambant neuf, spécialement façonné pour les pèlerins de St-Jacques. Ma prochaine halte se trouve dans le minuscule village de Marast, où se trouve une très belle église romane du 12e s. Elle faisait partie d’un prieuré dédié d’abord à la Vierge Marie, puis comme à Vézelay à Sainte-Marie-Madeleine. Une seule messe est célébrée par année. Elle a été restaurée par l’état et est actuellement gérée par une association qui la fait revivre en mettant sur pied concerts et rencontres culturelles. Un peu plus tard, je profite du soleil sur la place du village de Vy-les-Filain, lorsqu’un gentille grand-mère s’enquiert de ma destination. Elle m’indique que de nombreux pèlerins passent par le village lors de la belle saison, ce qui est confirmé lorsque je sors du village par une «rue de Compostelle». Mon avenante informatrice m’a confié qu’à titre personnel elle n’appréciait pas Vézelay, mais m’a souhaité un «buen Camino». A mesure que la journée s’écoule j’éprouve de plus en plus de mal à avancer, mes genoux me faisant passablement souffrir et c’est avec un gros «ouf» de soulagement que j’atteins Gy à la tombée de la nuit. En face du bureau postal est apposée une plaque expliquant que Gy se trouve à l’embranchement des deux chemins Saint-Jacques, vers Le Puy en Velay (flèches blanches) et Vézelay (flèches jaunes).
Gray - Fontaine-Française
40 km
Mes douleurs articulaires ne se sont pas estompées avec la nuit. J’opte ainsi pour une journée de semi-repos, en avançant une vingtaine de kilomètres de façon motorisée jusqu’à mon point de départ, la ville de Gray, aux confins de la Franche Comté et de la Bourgogne.
J’en profite pour visiter tranquillement cette jolie ville au bord de la Saône. En haut de la vieille ville se niche la basilique Notre-Dame, dont la mise en chantier remonte à 1478. Elle est devenue célèbre en abritant une statuette «miraculeuse» de Notre-Dame, du début du 17e s, et par celle du coeur de saint Pierre Fourier, supérieur des chanoines réguliers de Saint-Augustin en 1632 et exilé à Gray par Richelieu en 1636. Cette double présence valut à l’église Notre-Dame d’être érigée en basilique par le pape Pie XII en juillet 1948. Après avoir franchi la Saône, ma prochaine halte se trouve devant le château de Rosières, imposante bâtisse qui abrite des chambres d’hôte ainsi qu’un gîte pour pèlerins, dans les anciennes annexes du château. Il date du 15e s et a été construit par les Seigneurs de Saint-Seine. Mon guide m’apprend en outre qu’il a servi de refuge aux populations environnantes durant les périodes de guerre. Parvenu dans le village au joli nom de Fontaine-Française, je décide d’économiser mes forces car les douleurs sont toujours aussi pénibles et je mets pied à terre jusqu’au lendemain.
Source-Seine - Semur
50 km
Comme la veille, j’avance en voiture pendant quelques kilomètres, jusqu’aux sources de la Seine. C’est un peu émouvant de voir ce grand cours d’eau se résumer à un minuscule ruisseau au milieu de roseaux, dans une petite vallée paisible de Côte d’Or. La légende raconte que la nymphe Sequana s’est enfuie du royaume de Neptune et s’est réfugiée dans cette vallée. Pour échapper au dieu des océans, elle s’est transformée en petit ruisseau. Le prochain village important est Flavigny-sur-Ozerain, qui aurait été un campement de Jules César au cours de la bataille d’Alesia, même si des théories opposées situent le site de cette bataille décisive plus au sud en Franche Comté. Au vu de la saison tardive, peu de touristes parcourent ces vénérables ruelles.
A l’extérieur des murs se trouve un faubourg St-Jacques, avec une modeste statue du saint au bout de la rue du même nom. Flavigny a des origines qui plongent dans la préhistoire et la civilisation gallo-romaine. Elle enchante par ses murs et ses belles maisons anciennes L’église St Genest date des 13 e et 15e s. L’ancien cloître St Pierre est devenu une annexe de la fabrique de bonbons à l’anis, une visite à ne pas manquer. La journée se termine a Semur-en-Auxois, belle cité perchée sur un éperon, dans une boucle de la rivière Armançon. Nous passons la soirée à flâner au milieu de ses ruelles et ses quatre imposantes tours rondes. Tout comme à Flavigny, la vue sur les environs est imprenable.
Semur - Vézelay
70 km
Le temps est comme toute cette semaine au beau fixe et j’enfourche pour la dernière journée mon deux-roues, toujours en serrant les dents malgré des massages réguliers au baume Saint Bernard. Les températures sont quasi estivales et j’aurai trop chaud en montant les quelques collines qui précèdent Vézelay. Je suis parti tôt pour profiter un maximum de cette dernière magnifique journée. Après avoir passé l’heure de midi sur les remparts d’Avallon, j’atteins les collines près de Tharoiseau, à environ 3 km du but, d’où on a une vue imprenable sur les tours de la cathédrale de Vézelay. L’approche restera pour longtemps gravée dans mon esprit et la dernière montée, depuis St-Père, est même un vrai plaisir. Arrivé à la porte St Etienne, il faut encore monter les 700 derniers mètres qui séparent de la basilique. Ce remarquable édifice, fondé en 850, a connu une renommée dans toute la chrétienté du fait de la présence des reliques de Sainte Marie-Madeleine. Vézelay est dès lors devenu un lieu de pèlerinage célèbre. Saint Bernard y prêcha la 2e croisade et Richard Coeur de Lion partit depuis ici pour la suivante. De plus, Saint François d’Assise y fit construire le premier monastère franciscain en France. Contrairement à ce que m’avait dit la gentille dame à Vy-les-Filain, je trouve Vézelay magnifique. Peut-être que le beau temps a joué son rôle, et le fait aussi que les rues ne sont pas remplies d’une cohue de touristes. La cité a un véritable caractère et je suis absolument enchanté d’avoir choisi cet itinéraire pour découvrir ce haut-lieu historico-religieux.
Le troisième et dernier voyage de cette année va se dérouler comme je l’avais espéré voilà une année, en traversant en vélo la Franche Comté du levant au couchant, depuis la frontière suisse, pour atteindre la Bourgogne, avec une petite incursion en Alsace.
Chemin de Vézelay