Sur les traces des Jacquets
L'important ce n'est pas le but, l'important c'est le chemin.
L'Europe par les Chemins de St-Jacques de Compostelle
Caminoropa
de la Merveille de l’Occident à la Vendée, août 2012 et juillet 2017
Le Mont - Antrain
22 km
En m’éloignant du Mont, je me retourne encore quelques fois pour m’imprégner du majestueux spectacle qui s’offre à moi. Le temps est clair, les bords du Couesnon calmes, à l’opposé de l’effervescence habituelle qui règne en ce mois d’août dans ces vénérables murs. Le Mont dresse sa silhouette admirable au coeur de la baie. Par bonheur j’ai pu le visiter la veille au soir, alors qu’il y régnait un calme relatif, mis en valeur par des jeux de lumière des murs et des salles de l’abbaye.
Ce jour j’ai encore pu assister à l’office de midi, juste après avoir reçu le sceau du chemin du Mont à la Maison du pèlerin, en haut de la grand rue, à côté de la bibliothèque Siloë.
Je me mets tardivement en route, peu pressé de laisser derrière moi cette vraie merveille, qui fut consacrée à l’Archange en l’an de Grâce 709 et tour à tour abbaye bénédictine, centre de pèlerinage visité par les foules et les rois, et forteresse imprenable. La distance devant moi est brève et le chemin se parcourt sans aucun problème jusqu’à Pontorson, en longeant le Couesnon. La ville se situe sur un point de franchissement de la rivière, à la limite des deux provinces. Elle abrite l’église Notre Dame, qui évoque la façade de l’abbatiale romane du Mont. Les constructions médiévales de l’Hôtel Dieu et du prieuré qui accueillaient autrefois les pèlerins n’existent plus depuis longtemps. La fin de l’étape se trouve à quelques kilomètres de là, à Antrain, qui abrite l’église de Saint-André, proche de celle de Pontorson. Cette place fut jadis un port très actif au confluent du Couesnon et de la Loisance. L’unique difficulté de la journée aura constitué à trouver le gîte que j’avais réservé, à Sacey, près d’Antrain. La brave hôtesse avait complètement oublié ma réservation mais par chance n’avait pas encore loué ma chambre à un autre voyageur.
Antrain - Rennes
73 km
Le temps est toujours au beau fixe et je m’attarde quelque peu à Antrain. Je remarque une belle enseigne avec le nom évocateur «l’Abri du pèlerin», qui est un gîte communal, puis m’engage dans la forêt qui abrite le château de Bonnefontaine, sur la route Chateaubriand. Je renonce à visiter le grand parc à l’anglaise du domaine et continue vers le sud. La voie verte m’égare quelque peu et je préfère revenir sur mes pas, en direction de la départementale, pour retrouver le chemin à Tremblay. Une croix érigée en 1660 au bord du chemin constitue le seul monument jusqu’à Sens-de-Bretagne. Le village se trouvait au croisement de deux importantes voies romaines. Le guide attire l’attention du voyageur sur l’Auberge de la Tourelle, de 1676, qui comme son nom l’indique possède une magnifique tourelle d’angle sur la place centrale. Le chemin se poursuit sur des routes très calmes et entourées de bosquets et de prés. Depuis Saint-Médard-sur-Ile il s’agit de suivre simplement le chemin de halage, le long du canal Ile et Rance, jusqu’à Rennes. Il avait été creusé pour contrer le blocus maritime anglais et assurer la liaison entre Rennes et Saint-Malo. Les aléas de l’histoire reporteront le début des gigantesques travaux à 1804, sous la menace d’un nouveau blocus. Ils dureront 30 ans, pour arriver à creuser la terre sur 85 km. Pas moins de 48 écluses ont dû être créées tout au long du canal.
L’arrivée à Rennes se fait de manière très simple, en suivant le canal jusqu’à proximité de la cathédrale Saint-Pierre. La vieille ville pavée est agréable à parcourir. Mon but est la rue de la Psalette et la place du Champ Jacquet. Des belles maison du 15e s bordent cette place. L’incendie de 1720 a malheureusement détruit la totalité des édifices, soit la chapelle et l’hospice Saint-Jacques. Il y avait même une porte Jacquet, protégée par une tour Saint-Jacques. Il est donc très probable que ce lieu servait de point de rencontre pour les pèlerins de Compostelle. Je poursuis ensuite ma visite du centre ville en passant devant l’hôtel de ville et le Parlement. Rennes a vraiment l’air d’une ville où il fait bon vivre et je prends le temps de flâner dans ces rues au charme indéniable.
Rennes - Langon
83 km
La sortie de Rennes se fait sans aucun problème et de façon très agréable, en suivant le chemin de halage, le long de la Vilaine. Je passe l’étang d’Apigné puis bifurque sur une départementale déserte pour me diriger vers St-Jacques-de-la-Lande, situé à côté de l’aéroport St-Jacques de Rennes. Malheureusement, la ville est étendue et je parcours sa zone industrielle puis un grand quartier résidentiel sans aucun intérêt. Quelque peu déçu de l’absence d’intérêt de ce lieu au nom pourtant prometteur, je reviens sur mes pas et rejoins à nouveau la Vilaine. J’ai ainsi «perdu» à peu près une heure de temps et je continue donc sans plus tarder ma route jusqu’à Pont-Réan. Une partie du village et surtout le pont ont été construit en pierres de schiste rouge violacé, ce qui a donné le nom à cet endroit. Beaucoup de gens sont attablés au restaurant près du pont et profitent de la douceur de ce magnifique dimanche. Je décide de me restaurer aussi à proximité en profitant de la vue reposante, au bord de l’eau. Je poursuis vers Bourg des Comptes, en passant à côté de deux très jolis moulins, Le Boël et la Bouëxière. Je tiens à passer à Bourg-des-Comptes mais le village est plongé en léthargie, ce qui est somme toute normal car nous sommes en pleine période de vacances et les gens qui sont restés profitent sans aucun doute du beau temps pour se promener. C’est ainsi qu’en suivant la Vilaine, de ponts en écluses, jusqu’à Messac/Guipry, je me rapproche toujours plus de mon but du jour, Langon. Une nouvelle fois, je m’égare à la recherche de mon gite et roule sur une bonne distance en direction complètement opposée. Heureusement que mon hôte n’avait pas oublié mon arrivée.
Langon - Nantes
94 km
Une petite averse salue cette journée qui s’annonce assez longue, puisqu’une centaine de kilomètres me sépare de Nantes, en passant par Blain. Il s’agit de la plus longue étape, et j’appréhende un petit peu la traversée de la ville. Je décide donc de ne pas trop m’attarder. Je quitte à regret les rives de la Vilaine et suit la départementale, ce qui enlève un peu le charme des journées précédentes. Je traverse les villages de Guéméné Penfao puis l’Etang de la Roche. Heureusement la pause de midi est passée dans la superbe forêt dominiale du Gâvre. Blain est complètement déserte, mais au vu des confettis jonchant les rues, elle devait être beaucoup plus animée la nuit précédente. Je n’ai plus qu’à continuer jusqu’au joli petit port, sur le canal de Nantes à Brest.
J’admire brièvement le très beau château, avec la tour du pont-levis du 14e s. et le logis du Roi du 15e s. Je reprends le chemin sur l’ancienne voie ferrée, sensée me conduire en droite ligne vers Nantes pendant 26 km. Malheureusement, la mise en garde figurant sur le guide concernant les nombreux chemins secondaires qui s’entrecoupent se révèle justifiée et je perds complètement le sens de l’orientation. Je n’ai pas d’autre choix que de rejoindre finalement la départementale et poursuivre sur Chapelle-sur-Erdre. J’entre dans Nantes vers 17 h, alors que le temps se met à l’orage. Je traverse les faubourgs nord de la ville et atteins la cathédrale Saint-Pierre, commencée sous le règne de Jean V, duc de Bretagne, en 1434. Son successeur, le duc François II, créa le nouveau château ducal. En mariant sa fille Anne de Bretagne au roi de France Charles VIII (1491), il consacra l’union de la Bretagne à la France. Je repère St-Jacques, tête découverte et bourdon en appui contre son épaule droite, un livre à la main, avec une longue cape et une besace, parmi les douze apôtres sur les gisants du magnifique tombeau de François II. Je fais le tour du château puis c’est sous un rideau de pluie que je traverse la Loire pour rejoindre Rezé où je passe la nuit.
Nantes - Clisson
36 km
Je retraverse une dernière fois la Loire pour rejoindre le quartier Saint-Jacques-de-Pirmil, où se trouve la chapelle Saint-Jacques (XIIe - XIXe) annexée à l’Hôpital du même nom. Le guide m’apprend que le pont de Pirmil était le seul point de passage pour les pèlerins, lesquels embarquaient ou continuaient par voie de terre. La chapelle est fermée et je ne pense pas à m’adresser à la cure pour demander à la visiter. Je poursuis ma route en direction du pays vendéen. Il s’agit d’une ballade très agréable le long de la Sèvre, jusqu’à Vertou, dans la banlieue sud de Nantes, où je fais la pause. Une nouvelle fois, je me trompe de direction et m’égare complètement, au milieu du vignoble nantais, terre du fameux muscadet. Ce n’est qu’en demandant ma route à de sympathiques habitants que j’arrive à me remettre dans la bonne direction. Le paysage s’adoucit, formé de douces collines où s’étend à perte de vue le vignoble. Je roule vers Clisson que j’atteins avec pas mal de retard, en raison de crevaisons.
J’aurais tort de trop me plaindre puisque ce sont les toutes premières de la semaine. Je découvre dans cette belle cité de nombreux édifices qui témoignent de la dévotion à Saint-Jacques : l’église Notre Dame avec une représentation du saint sur la façade, la chapelle du Prieuré, qui fait partie d’une maison de retraite et surtout la chapelle Saint-Jacques, ancien prieuré du XIe s avec magnifique charpente sculptée du XVIe s. Mis en présence de tous ces témoignages jacquaires du passé, Clisson m’apparaît en fin de compte le lieu idéal pour mettre là un terme à mon petit périple de cette année et je renonce donc à poursuivre jusqu’à Montaigu, comme je l’avais prévu initialement.
Nantes - Saint Fulgent
80 km
Cinq ans plus tard, je reprends la route depuis l'ancienne capitale de Bretagne dans le but de traverser la Vendée et rejoindre la route de Tours. Je passe à nouveau à Vertou et Clisson, saluant à nouveau St-Jacques sur la façade de l'église Notre-Dame. A St-Hilaire-de-Loulay, alors que je me restaure sur la place , une gentille paroissienne, Anne, m'encourage à visiter son église qui abrite trois remarquables copies XIXe de tableaux italiens. L'après-midi se passe tranquillement jusqu'à Montaigu, puis Saint-Georges, où je traverse les deux Maine, et Saint Fulgent.
Saint Fulgent - Saint Hilaire la Palud
70 km
C'est une route départementale rectiligne et très fréquentée par les poids-lourds qui me conduit à Chantonnay. Dès lors, c'est avec joie que je trouve une paisible voie cyclable à travers bois. Les conditions sont parfaites et j'atteins Puybelliard détendu. Après Fontenay-le-Comte se profilent les marais poitevins qui m'obligent à quelques détours jusqu'à Saint-Hilaire mais la visite de la "Venise verte" que je fais le soir venu me fait facilement oublier tous les efforts de la journée.
Saint Hilaire - Saint Jean d'Angely
50 km
Au matin, je prends mon temps dans l'église du village qui abrite un joli vitrail de St-Jacques. car dehors des trombes d'eau s'abattent sur la région. Lorsque les éléments se sont calmés, je peux continuer jusqu'à Surgères et finalement St-Jean d'Angély avec son abbaye royale, lourdement endommagée pendant les guerres de Religion. La ville se trouve à la croisée des Chemins de Bretagne et du Mont Saint-Michel et de Tours. Elle fut ainsi une étape importante vers Compostelle et constitue opur moi le but que je m'étais fixé cette année, en espérant que j'aurais peut-être l'opportunité de continuer un jour ce chemin vers le sud, qui sait ?
Le hasard m’a amené à m’intéresser aux chemins de St-Jacques sillonnant la Normandie et en Bretagne. Il y en a au moins 3 ou 4 dans chaque région. Le Mont-Saint-Michel se situe juste à la limite des pays normand et breton, si proches et en même temps si différents l’un de l’autre. Un célèbre proverbe breton dit : «Le Couesnon en sa folie, mit le Mont en Normandie». Toujours est-il que Le Mont est aussi bien un lieu de départ que d’arrivée pour les pèlerins, selon que l’on soit «miquelot» ou «jacquet». Le Chemin est donc balisé dans les deux sens, du moins jusqu’à Clisson, avec le dessin du Mont en bleu sur fond blanc en direction du nord, et la coquille en bleu et or dans la direction opposée.
C’est toujours en vélo que je me remets en chemin, avec en poche le guide du Chemin du Mont-Saint-Michel. La «Voie des capitales» trace une route quasi en ligne droite, du nord au sud, en direction de Rennes et Nantes. Ces villes se sont longtemps disputées le titre de capitale de la Bretagne, d’où ce nom. En prolongeant ce chemin, on arrive sur la voie principale, le Chemin de Tours.
Le guide annonce clairement la couleur : les souvenirs jacquaires se font rares sur le chemin et il faut donc pas mal d’imagination pour se mettre dans la peau d’un pèlerin. Toutefois le départ depuis cette «merveille» qu’est Le Mont-St-Michel vaut largement plusieurs sanctuaires jacquaires.
La voie des capitales