Sur les traces des Jacquets
L'important ce n'est pas le but, l'important c'est le chemin.
L'Europe par les Chemins de St-Jacques de Compostelle
Caminoropa
entre l’Alb et la Forêt Noire - juin 2012
Seebronn - Rottweil
74 km
L’église St-Jacques de Seebronn est le point de départ idéal de cette journée. Je traverse quelques villages où est célébrée en ce jeudi la Fête Dieu, comme dans d’autres Länder ou communes catholiques. Cette fête est appelée ici «Fête du Saint-Sacrement» et les villages sont très joliment pavoisés et décorés avec de sublimes parterres de fleurs. Des petites fanfares sympathiques animent les processions et les rues principales, fermées au trafic.
Après Eutingen et son église St-Stephanus, me voilà déjà à Horb, ville qui m’avait frappée l’an dernier avec sa vieille ville dominant le Neckar et sa magnifique église à la Vierge Marie. Elle est décorée de très belles fresques avec un autel de 1520, dédié au couronnement à la Vierge. Trois kilomètres après Horb, le village d’Ihlingen abrite l’église St-Jacques dont les parties les plus anciennes remontent aux 12e et 13e siècles. L’église est fermée et je ne peux donc admirer une statue de l’Apôtre de 1680, mais une stèle est placée bien en évidence sur le bord du chemin, lequel se divise à cet endroit. Je m’éloigne du chemin menant à la Forêt Noire et à Strasbourg, pour continuer en direction du sud, vers Dettingen. Peu après je décide de suivre un chemin forestier qui rejoint Glatt. Le centre de la localité abrite un château, entouré d’un imposant fossé, qui se trouve être l’un des châteaux de ce type les mieux conservés du Bade-Wurtemberg. Il a été construit au 13e s. mais transformé entre 1533 et 1547. Dans la rue de Muri s’élève l’église St-Gall, dont la première mention date de 1275. En 1719 des Bénédictins de Muri près de Berne ont procédé à sa transformation. L’église abrite un autel et un tabernacle du milieu du 16e s., avec les marques significatives de St-Jacques, la coquille et le bâtons de pèlerin.
En retournant sur mes pas, je me dirige vers Sulz, jolie petite ville au bord du Neckar. Je ne suis pas le chemin conduisant à la ruine Albeck, qui aurait été érigée par les Alamans en 380 ap. J-C et fut finalement détruit par les troupes françaises en 1688. La ville suivante, Oberndorf, ne m’apparaît pas très attrayante, mais je monte à nouveau à flanc de colline en direction du petit village d’Herrenzimmern. Dans la forêt, dominant la vallée, se dressent les vestiges d’une fortification du même nom, avec des murs de 2 m d’épaisseur. Je crois passer par le chemin le plus court mais il s’agit en fait d’un sentier pédestre boueux très escarpé, avec des marches en bois, et je dois donc pousser ou plutôt porter mon vélo. Dans l’ancienne chapelle à ciel ouvert se trouve un relief en bronze de St-Jacques sculpté par l’artiste Tobias Kammerer, qui montre le saint en pèlerin. Malgré une vue féérique sur la vallée boisée, je dois me remettre en selle, car les cieux se font de plus en plus menaçants. J’avance de bonne allure en direction du but du jour, Rottweil, mais je m’égare tout à la fin et c’est sous un véritable déluge que je pénètre dans cette très belle cité, dont la place du marché accueille un imposant monastère. En raison de l’heure, il est fermé et sa visite attendra donc le lendemain.
Rottweil - Blumberg
70 km
La ville de Rottweil était un carrefour important entre Strasbourg et Constance, puis St-Gall et Einsiedeln. Plusieurs chemins de St-Jacques s’y rejoignent. Une légère brise a fort heureusement repoussé les nuages de pluie. Je commence bien évidemment au monastère de la Sainte-Croix, où j’ajoute un sceau sur la credential puis continue plein sud en direction de Schwenningen. La pluie me rattrape et je ne m’attarde pas dans la ville. Ma première étape sera Villingen, distante seulement de 7 km et aux portes de laquelle le Neckar prend sa source. Auparavant, j’entreprends un petit détour jusqu’aux portes du petit village de Nordstetten. Un panneau planté devant un champ raconte que se dressait là autrefois une chapelle dédiée à St-Jacques. Entre les 13e et 16e siècles elle avait une grande renommée et de nombreux pèlerins y passaient, sans oublier de faire souvent un don. Elle fut détruite durant la Guerre de Trente Ans et les offrandes des pèlerins ont été placées en sécurité au monastère de Villingen.
L’oeuvre la plus remarquable est «le couronnement du pèlerin», une statue en pierre du dernier tiers du 13e s. représentant un couronnement d’un couple de pèlerins par St-Jacques.
J’entre dans Villingen par la porte de l’Est. La ville possède depuis 1000 ans le droit de cité, mais son origine remonte au moins au 4e s., avec les Alamans. Tout comme à Rottweil, je suis impressionné par les dimensions du monastère, qui est dédié à St Jean-Baptiste. Une trace du chemin des pèlerins se remarque grâce à la ruelle St-Jacques. Après une pause de midi très appréciée, qui me permet de me sécher et d’étancher ma soif avec une «Fürstenberg» bien fraîche, je poursuis le chemin toujours plein sud, en remontant cette fois le cours du Brigach, petite rivière qui formera plus tard le Danube. Le paysage ne présente aucune difficulté particulière et c’est donc à bonne allure que je me dirige vers Donaueschingen, qui doit sa renommée actuelle à ce Danube si cher aux peuples du centre de l’Europe. Cette ville, qui a été évoquée dans un décret royal il y a plus de 1100 ans, a pris de l’importance en 1723, lorsqu’un duc y a déménagé sa résidence depuis Stühlingen et qu’elle est ainsi devenue la «capitale» du duché de Fürstenberg. Donaueschingen s’est transformée dès lors en un centre culturel et économique important de la région de la Baar, avec son château de style baroque. Je renonce à pénétrer dans le parc du château en travaux et fais donc l’impasse sur la visite d’une des nombreuses «sources» du Danube qui essaime dans la région, quand bien même il s’agit pour les habitants de «LA» source du Danube. Il faut savoir que la naissance de ce grand fleuve est en fait simplement le résultat de la jonction entre les rivières Breg et Brigach.
L’église St-Jean, bâtie par un Praguois et dont les clochers font plutôt penser à la Bohème, abrite également une statue de St-Jacques de 1745. Je deviens vite lassé des touristes et du trafic routier un peu trop envahissant et me dirige avec soulagement vers Hüfingen, à 5 km de là. Juste avant, grâce au livre de Wolfgang Meyer, je ne passe pas à Allmendshofen sans visiter son église St-Jacques. L’extérieur ne paie pas de mine. Toutefois, une paroissienne prévenante m’invite à y entrer et m’y reposer. Je découvre alors un autel et un bénitier sous forme de coquillage ainsi qu’une statue du saint. Un gros tampon est également mis à la disposition des pèlerins. A Hüfingen, nommée Brigobane par les Romains, je m’aperçois que de nombreux signes et emplacements font référence à St-Jacques, qui n’est autre en fait que son saint patron. Hüfingen était également une ville importante au carrefour de routes commerciales et de pèlerins entre Rottweil et la Suisse. La ville est surnommée la «Petite Augsburg», en raison des nombreuses fontaines qui y ont pris place. La dernière avant de franchir les portes de la ville est d’ailleurs dédiée à St-Jacques. La journée avance et c’est donc sans plus m’attarder que je continue ma route en direction de la Suisse. Au loin s’élève le Fürstenberg, nom que j’ai en tout premier lieu associé à la bière locale, qui se laisse volontiers goûter. La montée s’avère aussi rude que brève. Parvenu au sommet, ce n’est plus qu’une question de quelques kilomètres faciles pour arriver au but à Blumberg où l’église paroissiale, très moderne, m’accueille chaleureusement. Je peux ainsi mettre un terme à ce bref pèlerinage en apposant le dernier timbre avant de passer la frontière suisse.
Le Chemin Neckar-Baar
Après avoir opté l’année dernière pour la variante Hohenzollern, soit en tournant le dos au Neckar à la hauteur d’Horb, j’ai eu l’irrépressible envie de remonter jusqu’à la source de ce très beau cours d’eau. Je pouvais ainsi à nouveau terminer tout près de la frontière suisse, au nord du canton de Schaffhouse. Cela représente une excursion de deux jours en vélo. Le livre de Wolfgang W. Meyer allait être une nouvelle fois l’ouvrage de référence.